Dans une longue lettre adressée, ce mercredi, à son premier ministre, François Bayrou, le chef de l’Etat français demande des mesures supplémentaires contre les officiels algériens. « Compte tenu des difficultés croissantes que nous rencontrons en matière migratoire et sécuritaire avec l’Algérie, je souhaite que vous puissiez prendre des décisions supplémentaires », écrit-il d’emblée.
Citant les cas de l’écrivain Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes, Emmanuel Macron prétend que l’Algérie ne respecte pas ses « obligations au titre de nos accords bilatéraux, notamment l’accord de 1994 sur les réadmissions et l’accord de 2013, tout comme la cessation de toute coopération des 18 consulats algériens présents sur notre sol avec les services de l’État ».
« Tout cela exige que la France agisse avec plus de fermeté et de détermination. C’est ce que je demande au gouvernement », lit-on dans cette lettre. Ce faisant, il demande à son gouvernement « d’acter à présent la suspension officielle de l’accord de 2013 concernant les exemptions de visa sur les passeports officiels et diplomatiques, suite à la mesure prise par les autorités algériennes à cet égard ».
« Je vous demande donc que le ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères notifie aux autorités algériennes la suspension formelle de cet accord. Je vous prie également de solliciter du ministre de l’Intérieur qu’il obtienne de nos partenaires Schengen qu’ils prennent les mesures indispensables à l’efficacité de nos décisions, tout particulièrement la consultation de la France pour la délivrance des visas de court séjour pour les responsables algériens en question et les passeports visés par cet accord », écrit-il à son exécutif.
==Refus de visas ==
Emmanuel Macron ordonne aussi l’activation des « dispositions élaborées en janvier 2024 dans le cadre de la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration (CIAI) ». « Son article 47, dont j’ai souhaité l’aboutissement, a créé un levier visa-réadmission (LVR) national qui permet de refuser les visas de court séjour aux détenteurs de passeports de service et diplomatiques, tout comme les visas de long séjour à tous types de demandeurs. Je souhaite que ces dispositions soient mises en œuvre immédiatement et que cela soit notifié aux autorités algériennes », ajoute-t-il.
Sur l’expulsion des algériens en situation irrégulière en France. « La seule boussole de notre action doit ici être l’efficacité. Je rappelle que nous avons jusqu’à la fin de l’année dernière obtenue des résultats positifs avec l’Algérie, en doublant nos éloignements de 1610 en 2017 à 3000 en 2024, quels que soient par ailleurs nos différends politiques. Je souhaite donc que nous retrouvions le chemin d’une coopération exigeante, sérieuse et productive, dans l’intérêt même des Français », précise-t-il.
Tout en demandant à son ministre de l’Intérieur de trouver au plus vite les voies et moyens d’une coopération utile avec son homologue algérien, Emmanuel Macron parle de « la délinquance des individus algériens en situation irrégulière ». « Le Ministre de l’Intérieur et ses services doivent agir sans repos et sans répit », demande-t-il.
Selon lui, « la France doit être forte et se faire respecter ». « Elle ne peut l’obtenir de ses partenaires que si elle-même leur témoigne le respect qu’elle exige d’eux. Cette règle de base vaut pour l’Algérie aussi. Elle s’impose d’autant plus que nos liens particuliers nécessitent que nous sachions traiter les difficultés avec franchise et engagement, sans céder à aucune facilité. Je continuerai donc de suivre avec précision certains indicateurs de notre coopération migratoire : reprise des auditions consulaires, délivrance effective des laissez-passer consulaires et des réadmissions en application de l’accord de 1994 », enchaîne-t-il.
Parlant d’une réduction de 30% des délivrances de visas par les services consulaires français « en raison du manque d’effectifs », le président français demande aussi à son chef de la diplomatie de prévenir « les autorités algériennes que tout retour à la normale dans notre coopération nécessitera que notre ambassade à Alger recouvre les moyens de son action. C’est à cette condition aussi que notre ambassadeur pourra rejoindre son poste ».
Il pose aussi ses conditions concernant l’autorisation des consuls algériens à exercer leurs mandats. « La réponse des autorités algériennes à nos exigences en matière de coopération migratoire et consulaire déterminera la suite de nos démarches. Dès lors que le dialogue aura été rétabli, il nous faudra également traiter d’autres dossiers bilatéraux sensibles, tels que la dette hospitalière, ou les menées de certains services de l’État algérien sur le territoire national, mais également les questions mémorielles en suspens, sur la base des propositions de la commission mixte d’historiens, et notamment la question des restitutions ou des sites d’essais nucléaires français en Algérie », estime-t-il.